Attention, Enzo G. Castellari sort la sulfateuse. Celui qui est certainement le cinéaste italien plus influencé par le cinéma ricain envoie ici du très lourd. On se souvient de son Témoin à abattre qui s’apparentait à un ersatz de L’Inspecteur Harry et de son Citoyen se rebelle qui s’inscrivait dans la droite ligne d’un Justicier dans la ville. Le voici avec ce qui est certainement son meilleur polar car se présentant comme une synthèse de plusieurs titres, voire plusieurs sous-genres. On pense évidemment au polar urbain (même si on ne trouve pas ici la traditionnelle course-poursuite en voiture), au vigilante mais aussi au film de commando voire au « rape and revenge ». Surtout, Enzo G. Castellari, qui a parfois tendance à sacrifier son récit à la dimension spectaculaire de l’ensemble, trouve ici le juste équilibre. Il n’y va cependant pas avec le dos de la cuillère, n’hésitant pas à filmer le viol d’une adolescente puis d’une femme sur laquelle urine un des violeurs (ces scènes avaient été coupées dès leur sortie). Très clairement, alors que bon nombre de ses contemporains mettaient en scène un certain désordre fruit d’un État corrompu, Enzo G. Castellari montre une société rongée par la sauvagerie d’une jeunesse anarchisante contrôlée par une pègre sans scrupule. Autrement dit, il se range du côté de la loi et de la justice. En somme, un cinéma de droite totalement décomplexé qui assume son discours et vole dans les plumes.
Le récit, on l’a dit, n’est pas sacrifié au propos. Il montre comment plusieurs hommes victimes d’une bande de dégénérés finissent par former une sorte de milice pour rendre leur propre justice, c’est-à-dire la vengeance. Chantre de l’action, le cinéaste italien soigne évidemment les séquences de fusillade, convoquant le cinéma de Sam Peckinpah avec ses ralentis soignés. Surtout, il se révèle particulièrement efficace dans les scènes les plus sauvages du film. Jamais on n’était allé aussi loin dans la brutalité que dans ce titre, le réalisateur faisant le choix de choquer son public pour rendre son propos plus explicite. D’une noirceur d’ébène, l’ensemble dresse un tableau pathologie d’une société malade où tous les acteurs finissent par perdre la raison et se trouvent entraîner dans une escalade de la violence. Le résultat est, d’ailleurs, peut-être, plus moral qu’on ne peut le croire de prime abord. Si le cinéaste se positionne derrière les victimes, il n’oublie pas de montrer en quoi leur réponse répond à un acte désespéré. Enzo G. Castellari n’est pas du côté de la police ou de la justice qui est montrée comme corrompue. Il est du côté du peuple qui paie la note d’une société malade.
La réussite de l’ensemble tient aussi à son joli casting. Si Fabio Testi est vraiment très convaincant dans le premier rôle, il est aussi parfaitement secondé par des acteurs particulièrement à l’aise dans des rôles d’hommes désespérés et traumatisés. Du côté des jeunes anarchistes, on notera les solides prestations, notamment, de Giovanni Cianfriglia (le Marcucci de Peur sur la Ville) mais aussi de Marcella Michelangeli qui permet de montrer que la sauvagerie n’est pas que l’apanage des hommes. La belle mélodie des frères de Angelis, aux accents de rock psychédélique, se fond parfaitement dans l’ensemble et forme un écho évident à la tension générale du film. Un film évidemment excessif mais terriblement généreux, cohérent de bout en bout, et totalement représentatif de son réalisateur qui était alors au sommet de son art.