Ce long-métrage allemand de Feo Adalag a été fortement récompensé à sa sortie, une pluie de prix aux quatre coins du globe, puisque "L'Étrangère" - Die Fremde dans sa langue d'origine - a tout du drame familial réussi.
L'histoire est celle d'une jeune femme dénommée Umay, une allemande d'origine turque. Son mari étant violent, elle décide de fuir la ville d'Istanbul avec son enfant pour aller chercher du réconfort chez sa famille. Mais elle se voit contrainte de fuir à nouveau, étant donné que ses proches sont baignés dans des règles et coutumes chères à leur communauté. Ils s'opposent donc aux choix d'Umay, cette dernière, désarçonnée, va devoir s'acharner pour imposer ses envies et gagner la reconnaissance de tous par rapport à son enfant.
Ce qui frappe dans ce film, c'est la manière avec laquelle on est amené à avoir de l'empathie pour le personnage d'Umay. Elle qui souhaite que les siens la comprenne et la soutienne dans ses décisions de mère. Ses proches ne sont pas des meurtris, ni d'horribles personnes, mais leur mécontentement démontre qu'ils sont surtout déés par leurs idéaux et codes de l'honneur. Réfutant souvent des faits pourtant si évidents, les proches d'Umay veulent éviter les on-dit.
En plus d'aborder des thématiques intéressantes et qui portent à la réflexion, le réalisateur est également parvenu à épater au niveau de la mise en scène. Celle-ci est dure, sèche et criante de vérité. Les dialogues sont parfois durs à entendre, et c'est l'effet recherché : bouleversé le spectateur. A mesure que le film avance, on se rend compte à quel point il mérite son étiquette de 'film coup de poing émotionnel'. L'interprétation de Sibel Kekilli est très convaincante, les autres acteurs ne sont pas en retrait, chacun d'eux est important et la justesse de leurs réactions ne fait que retranscrire au mieux leurs sentiments.
On peut être étonné de certains choix d'Umay qui, avouons-le, se rend souvent volontairement dans la gueule du loup. Il y a ce souci d'échappatoires à tout prix, elle fait presque preuve d'une énergie suicidaire, quémandant inlassablement une aide qui ne cesse de recevoir un refus. Puis, il y a son petit ange de fils qui la suit partout. Au fond, c'est lui qui subit le plus l'égoïsme des hommes.
On peut aussi être en colère ou bien pris de pitié pour les proches de la jeune maman protectrice, certains les comprendront, d'autres non. Au final, chacun est libre d'interpréter tout cela à sa façon. L'émancipation de la femme, les dangers du communautarisme et les restrictions qui s'y rattachent...
Quelques astuces de narration demeurent naïves, cependant, cette oeuvre ne s'impose pas de concession. Elle balaye le manichéisme et dée le particularisme pour atteindre des sommets beaucoup plus humanisant, plus universels, et c'est ce qui rend ce film accessible et profond à la fois.
Et ce final qui nous saisit la gorge tel un chien enragé, nouée sous cette violence dont on ne peut sortir indemne. Non sans incidence, il rappel que le trop-plein de pathos peut convaincre mieux que jamais.