Curieux objet ! Du Welz a réussi à produire un tel film dont les références sont des films que les spectateurs lambda ne connaissent pas, ça va des bisseries fauchées et délirantes au cinéma italien, le tout dans les années 70.
Non mais franchement ce générique fantastiquement glauque, pour un film qui a dû coûter bonbon pour une production franco-belge, qui devrait déjà faire fuir une bonne partie du public. La photo est grise, mais avec de belles compo, du mouvement, une caméra aux aguets, qui capte les mouvements des personnages ; le jeu de flou, les zooms, les courtes focales rendent le film plus particulier, avec en prime quelques images assez marquantes de par la position des personnages, le mouvement, l'angle de vue. Par exemple, ce plan à l'hosto où l'on regarde les visages de la famille scrutant la télé. Et puis un jeu de contraste parfois plus relevé, plus prenant.
Les acteurs délivrent de bonnes performances ; on est plus dans un registre premier degré sans trop de nuance... on dirait que Du Welz digère ici ce qu'il l'a nourri lors de son age aux USA (cela se ressent dans le découpage de certaines scènes). De bonnes gueules, avec de gros accents belges parfois. La reconstitution est saisissante, on retrouve vraiment la Belgique des années 90, avec ses jeans, ses coiffures, ses lunettes, ses vieilles rues moches et tristes, ses vieux barres, ses assiettes 'modernes' à l'époque mais qui sont si moches aujourd'hui.
Et puis il y a cette ambiance générale, déjà annoncée avec ce générique, qui appelle à l'horreur. Pourtant à part une scène où des cochons mangent des restes humains, on voit assez peu de choses dérangeantes, mais les couleurs, les cadrages, le texte, les intonations... tout nous rappelle les films d'horreur. Du Welz a la délicatesse de rester dans le correct, de ne pas montrer l'immontrable, mais s'y frotte de près, assumant le côté grandguignolesque (propre à l'horreur aussi) quand par exemple on découvre enfin une des vidéos tournées dans le van.
Du Welz fait aussi son best of ; on retrouve un peu de tout ce qui a fait sa carrière : le glauque, le fantastique, le symbolique, le délirant, le Hollywood, le bis. C'est un film somme quelque part, et je suppose qu'il s'agit là de son film préféré dans sa filmo. Moi aussi. Le bougre se permet tellement de choses, y compris d'interrompre son récit pour une longue séquence de mariage, filmée avec brio.
Niveau narration je trouve que la première heure et demie sont parfaites. Le récit est audacieux, ambitieux, l'intrigue - l'enquête - prend aux tripes sans pour autant délaisser les personnages. La dernière heure ressemble plutôt à une fin à rallonge ; l'auteur ne veut pas finir sur une mauvaise note, alors il pousse plus loin, jusqu'à tomber dans le film musclé et surtout en se déconnectant de l'affaire initiale. Ce n'est pas inintéressant mais ce n'est pas préparé, du coup ça e mal, on se demande pourquoi ça ne s'arrête pas. Mais cela a au moins le mérite de montrer que Du Welz a encore du punch, de la verve, est capable de bousculer le spectateur (j'imagine aussi que cette fin cathartique a convaincu les investisseurs de filer du pognon).
Bref, très chouette film plombé par sa dernière partie hélas.