Décrivant durant une année le quotidien d’une jeune taïwanaise, Vicky, le méconnu « Millennium Mambo » impose une mise en scène contemplative et immersive dès son magnifique plan d’ouverture. Il est de ces réalisateurs dont le langage est purement visuel et sensoriel, Hou Hsiao-Hsien en fait certainement partie.
Et tout cela sans oublier d’insuffler un propos à son œuvre, qui est ici celui de dresser le portrait d’une jeunesse fragile et tourmentée. Les adulescents, pourrait-on les appeler. Ceux qui paraissent avoir perdu foi en l’avenir, errant dans leur appartement à longueur de journées sans penser à relever la tête. C’est le petit ami de Vicky, drogué et sans travail, qui joue ce rôle ici. Jaloux et lunatique, il a entraîné cette dernière dans sa propre déchéance, elle qui espère désespérément en sortir. Ruptures, engueulades, tout les sépare mais ils restent pourtant soudés, comme si Vicky ne se donnait pas d’autre choix que de rester avec lui. Cette déchéance tourne d’ailleurs un peu en rond, au bout d’un moment. Mais il est temps de prendre (un tant soit peu) sa vie en main…
Cette jeunesse est donc caractérisée par l’instabilité, et la mise en scène lui donne tout son sens. Avec de longs plans posés, s’attardant sur les détails et prenant le temps d’installer son cadre, ponctué de flous, de lumières travaillés sublimant le décor, sans oublier cette bande-son envoûtante à couper le souffle, le film transmet le sentiment de vide existentiel à la perfection. La voix-off, si elle n’est pas toujours transcendante (même parfois futile) rajoute une certaine nostalgie à l’ambiance du film. Tout cela enfermant cette jeunesse indécise aux esprits impénétrables dans une bulle presque meurtrière. Seulement, tout n’est pas perdu, et la recherche de la stabilité, si elle peut paraître une chimère, peut aussi porter ses fruits.
Dans la droite lignée d’un « Chunking Express », Millennium Mambo propose quelques scènes implicites à la force d’évocation fulgurante. Le résultat n’est peut-être pas complètement abouti, mais marque indéniablement.