"Je suis Spartacus"

Cette superproduction de près de 13 millions de dollars mise en chantier par Kirk Douglas lui-même via sa compagnie la Bryna, lui permit de satisfaire ses penchants progressistes car il voulait appuyer sur l'aspect "film à message" ; aussi prit-il autant de risques en tant que producteur qu'avec son précédent film les Vikings qui venait de remporter un succès foudroyant. Le budget initial prévu de 4 millions de dollars triplera durant le tournage (alors que Ben-Hur n'en avait coûté que 16 millions) qui fut commencé par Anthony Mann que le studio Universal imposa, mais la star-producteur se disputa avec lui trouvant qu'il ne convenait pas à ce type de film ; il fut donc remplacé par le jeune Stanley Kubrick alors âgé de 32 ans avec qui Douglas venait de tourner les Sentiers de la gloire. Pour la seule et unique fois de sa carrière, Kubrick se trouvait donc obligé d'obéir aux demandes d'une star ayant un gros égo et de réaliser un film pour un gros studio qu'il n'avait pas choisi.
On a coutume de dire, et je l'ai constaté dans différentes critiques, que le film est à ce titre moins personnel au sein de son oeuvre ; je ne suis pas tout à fait d'accord car le scénario de Dalton Trumbo laissant une certaine liberté d'interprétation, Kubrick a pu y glisser de légères touches personnelles, notamment cette homosexualité latente avec une fameuse scène de bain entre le général Crassus (Laurence Olivier) et son esclave Antoninus (Tony Curtis), scène qui fut d'ailleurs retirée des copies américaines car le studio pensait qu'elle pouvait choquer en 1960. C'est donc un vrai paradoxe pour une telle entreprise qui se devait d'être e-partout pour toucher un public large ; Spartacus est un rare exemple de superproduction à grand spectacle d'auteur.
Ces réserves n'atténuent pas loin de là, l'éclat de cette superbe fresque historique qui relate une péripétie importante dans l'Histoire de Rome, Spartacus ayant fait trembler le monde romain en 73 av. J.C. et d'ailleurs il reste encore à ce jour, un symbole universel de révolte. On pourra simplement reprocher au film la romance un peu guimauve entre Kirk Douglas et Jean Simmons, et certains clichés mélodramatiques et historiques, mais ce n'est pas qu'une accumulation de scènes spectaculaires avec une importante figuration destinées à ébahir le spectateur. Il y a tout cela (dont le combat à la sécheresse stylisée et à la violence esthétique entre Kirk et Woody Strode dans la petite arène), mais c'est aussi une véritable réflexion sur la Rome impériale décadente, sur la politique romaine et l'ordre établi, la soif de liberté et la raison d'état (plusieurs scènes de Sénat en témoignent).
La mise en scène est grandiose, de type hollywoodien, avec une bataille finale bien réglée (tournée en Espagne avec 5000 figurants espagnols), la photo est splendide (elle reçut un Oscar), la musique un peu expérimentale d'Alex North apporte une note un peu décalée dans ce qui reste un des derniers grands péplums d' Hollywood, et surtout le casting poids lourd avec une prestigieuse brochette de grands comédiens et de brillants seconds rôles achève de faire de ce film un grand spectacle de qualité rempli de symboles.
A noter : sur le double DVD édition spéciale, il y a de bons bonus avec notamment une interview de Peter Ustinov qui révèle des anecdotes très savoureuses sur ses partenaires.

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le 10 déc. 2016

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