à l'instart des Final fantasy, c’est souvent comme que commence un premier amour... Un jeu un peu au hasard, attrapée sur un coup de tête, et sans trop savoir, on tombe sur quelque chose de marquant. Pour moi, Suikoden Tierkreis c'est exactement ça. Un jeu parmi d'autre, à une époque ou j'en téléchargeais beaucoup trop et en voici vraiment un qui avait totalement retenu mon intérêt. C’était mon tout premier Suikoden.
J’ignorais à l’époque l’existence du 1 et du 2, je ne savais rien des 108 étoiles de la destinée, ni des grands conflits politiques ou des génocides larvés qui font la marque de fabrique de la série. J’ai découvert cette saga par l’épisode que beaucoup de fans de la série originale méprisent un peu, parce qu’il est à part. Et pourtant, c’est resté mon préféré. Parce qu’il m’a cueilli au bon moment.
Là où beaucoup de JRPG se contentent de dérouler des clichés d’heroic fantasy tièdes, Tierkreis ose un propos ambitieux. Le jeu s’articule autour d’un thème central, le déterminisme contre la possibilité. Une idéologie appelée « Le Véritable Livre du Destin » domine le monde, et impose une vision selon laquelle tout est écrit. Et toi, héros anonyme au charisme shonen cliché, tu es littéralement celui qui croit que tout peut encore changer. C’est simple, presque naïf, mais dans la mise en scène du jeu, dans sa narration et ses multiples confrontations d'idéologies, ça prend vraiment. Ce thème est creusé jusqu’au bout et les nombreux personnages clichés viennent s'y greffer avec brio!
Je me rappelle aussi d'une chose aussi dingue que sur les Dragon quest de cette console, à savoir l’ampleur du monde. Sur une console comme la DS, voir un JRPG aussi vaste, aussi bavard, aussi ambitieux, c’était pas si courant. Le jeu te demande de recruter des dizaines et des dizaines de personnages (on est bien dans l’ADN Suikoden malgré tout), et chacun a une petite histoire, une quête, un moment à lui. Certains sont inutiles en combat, d’autres deviennent indispensables dans certaines formations, mais tous contribuent à cette idée de collectif qui va à l’encontre du culte du héros solitaire. C’est une idée forte, tu construis une armée, une communauté, un idéal.
Là où Tierkreis impressionne, c’est dans la manière dont il gère le rythme. Oui, il y a des longueurs, on ne va pas se mentir, certains dialogues tournent un peu à vide, et les introductions de scènes sont parfois figées (merci la DS). Mais le jeu parvient à maintenir une tension narrative, tu es de régions exotiques à des villes enneigées, de marais toxiques à des ruines antiques, toujours avec cette idée que quelque chose te dée. Il y a une vraie volonté de créer un monde cohérent et éclaté, peuplé de races différentes, de traditions propres, de conflits locaux... un peu comme un Final Fantasy Tactics Advance sous stéroïdes, mais avec plus de liant.
Le système de combat, lui, est à la fois classique et très fonctionnel. Du tour par tour pur jus, à six personnages, avec une emphase sur les combinaisons et les synergies. Pas de jobs ici, mais des capacités propres à chacun, et une importance donnée au positionnement (avant/arrière) et à la formation. Ce n’est pas le système le plus profond qui soit, mais il est bien huilé, lisible, et gratifiant une fois que tu commences à exploiter les bons duos.
Et surtout... Les combats sont rapides. La vitesse d’exécution sur DS est un vrai plus et je crois bien que c'est la première fois on j'ai pu goûter à la joie de ces combats rapides. Permettant de bien mieux encaisser ce genre de jeu qui peut être très vite répétitif.
Graphiquement, Tierkreis a ce charme un peu désuet des JRPGs DS. Décors précalculés magnifiques, mais figés, et personnages en 3D low-poly pas toujours gracieux. Mais tout ça tient bien la route, notamment grâce à une DA cohérente, avec des lieux marquants (la forteresse de ton QG évolutif, la capitale du Livre du Destin, les montagnes enneigées...), et une OST injustement oubliée. Certains thèmes, notamment ceux de la base ou des zones désertiques, sont restés longtemps en tête.
Et puis, il y a l’aspect doublage. On parle d’un jeu DS intégralement doublé en anglais, ce qui était rare à l’époque. Alors oui, les performances sont inégales, mais l’effort est remarquable. Et même dans leur excès, les voix contribuent à l’identité du jeu. Ton personnage principal parle tout le temps, ce qui peut surprendre, mais là encore, ça joue en faveur de son côté "leader naïf mais volontaire" et mine de rien, on s’y attache.
Certains reprocheront au jeu son éloignement par rapport aux Suikoden "canoniques", pas de référence directe aux précédents, une timeline alternative, un univers détaché... mais moi, justement, c’est ce que j’ai aimé. Ce n’était pas un JRPG cloisonné à une mythologie de vétéran, c’était une entrée ouverte à tous, avec un propos, une construction, et une envie de t’embarquer dans quelque chose de plus grand que toi.
Suikoden Tierkreis n’est pas parfait. Il est parfois verbeux, il a des pics de difficulté pas toujours justes, et certains personnages sont des coquilles vides. Mais il a une honnêteté rare, une générosité palpable, et cette foi dans le collectif qui me parle profondément. Ce n’est peut-être pas le plus grand RPG de la DS, mais c’est celui qui m’a donné envie de croire que dans un monde d’histoires toutes tracées, on peut encore choisir la sienne.