La série Hap et Pine a été un joli ticket d'entrée dans l'univers de l'écrivain Joe R. Lansdale. Un endroit qui sent la terre, le souffre et toute sorte de fluides. Bref, quelque part un peu notre monde à nous, où on cogne, on jure et d'où on ressort les jambes flageolantes ou les pieds devant. Mais si vous voulez taper dans le dur, alors je ne saurai trop vous conseiller les romans policiers de Lansdale. Le baptême pour moi, ce fut Les Marécages. Un écrit entrelaçant la chronique historique, thriller étouffant avec une pointe de surnaturel, de quoi expédier l'auteur parmi les incontournables. La confirmation arrive avec Du sang dans la sciure, récit imposant qui réunit les grandes marottes de son auteur : le Texas, l'Histoire et les meurtres. Auxquels s'ajoute le féminisme.
Ça commence fort dès le début, avec la description d'une scène de violence assez brute, d'autant qu'elle oppose une femme à un homme au beau milieu d'une tempête. Plus précisément, la femme et son mari alors que leur toit est progressivement réduit en miettes par le vent. Le message est clair, notre héroïne (Sunset) va en voir de toutes les couleurs. À peine libérée du joug d'un compagnon indigne et alcoolique, la voilà catapultée à son poste de constable sous les regards outrés et sexistes de ses istrés. Nous sommes au début des années 30, à proximité des lieux où se déroulait Les Marécages - aucun lien entre les deux sinon - donc on imagine bien que les mœurs sont tout aussi conservateurs envers les femmes qu'envers la population afro-américaine. La première arrestation de Sunset est à ce titre éloquente, à la fois tendue et touchante. Quoiqu'il en soit, il en faudra plus pour démotiver la fliquette, qui se retrouve directement en charge d'une enquête sur le meurtre d'une femme enceinte aux implications dévastatrices pour la communauté.
Une nouvelle fois, le portrait que tire Lansdale de sa région et de ses résidents représente le sel d'une histoire particulièrement noire. Cette fois-ci, pas de narrateur intradiégétique. De fait, on pénètre la psyché de plus de personnages et à mesure que l'intrigue file (droit et bien), nombre d'enjeux vont être complexifiés/solutionnés par les protagonistes eux-mêmes. Je pense notamment à HillBilly ou Lee dont l'évolution va amener le récit à prendre une forme inattendue. On trouvera également d'authentiques antagonistes, parfaitement singuliers et totalement dérangeants. Le premier très porté sur son apparence, et le deuxième doublement siphonné.
Mais tout cela ne saurait faire oublier Sunset, mère courage et femme de poigne au bord de la crise de nerfs. Et sa belle-mère Marilyn, portée par des émotions contradictoires et un but indistinct.
Du sang sur la sciure est effectivement un poil plus ambitieux que Les Marécages sur sa narration, et il est tout près d'être encore plus réussi. L'auteur sait en tout cas terminer sur un climax qui fait parler la poudre, et surtout faire monter la tension à un niveau dingue. En prime, il s'offre le luxe de retourner son intrigue dans ses dernières pages pour ajouter une touche encore plus sombre. Définitivement, je trouve Lansdale plus intéressant dans l'exercice du one-shot puisqu'il parvient à livrer des intrigues menées de main de maître en les traitant toujours d'une manière qui nous triture le cerveau quelques jours après avoir refermé le roman.